A la découverte des palissés de Paris

Un moment d'échange sublime entre experts français et belges actifs dans la taille des arbres fruitiers palissés !

Du mardi 9 au jeudi 11 juillet 2024, le maître et les élèves sont partis pour un voyage de trois jours à Paris. 

Le but : apprendre, remplir notre base de données, échanger des expériences et des connaissances, et construire une véritable communauté du patrimoine de l'arboriculture palissée au-delà des frontières. Un merveilleux moment d'échange franco-belge de haut niveau dans les jardins palissés du grand Paris.

Mardi 10 juillet 2024

Nous nous retrouvons sur le quai de Bruxelles-Midi pour prendre l’Eurostar de 8h13. Certains auront déjà fait un long trajet pour arriver. Après un peu plus d'une heure et demie, nous arriverons à la gare de Paris-Nord. Ensuite, nous prendrons le métro et le RER pour un trajet d'une heure qui nous mènera à Saint-Rémy-lès-Chevreuse. Là, où Hervé Mauclère, nôtre hôte, nous a donné rendez-vous.

Hervé est extrêmement expérimenté dans la taille et le greffage des arbres fruitiers et des arbres fruitiers palissés. Il a de nombreuses années d'expérience dans ce domaine et a animé d'innombrables ateliers et formations. C'est un homme passionné qui raconte son histoire de manière captivante.

Après une courte présentation, nous nous rendons dans un verger historique, les Granges de Port-Royal-des-Champs. Ce "potager des habitants" est un lieu où de nombreuses personnes participent bénévolement à l'entretien du verger et des jardins.

Sur ce site, nous voyons huit parcelles de vergers, classées par époque. Chaque parcelle contient des arbres d'un siècle différent, à partir du XVIIe siècle. Contre le mur d'enceinte se trouvent des arbres fruitiers palissés, attachés "à la loque". C'est selon la méthode d'autrefois : des crochets dans le mur et les branches fixées avec des bandes de tissu. Nous voyons également des arbres taillés en formes de corbeilles et de gobelets. Il y a aussi une petite parcelle réservée à la culture de nouveaux arbres.

Nous continuons notre visite sur le domaine et, derrière la colline, nous découvrons les vestiges d'une abbaye disparue. Une petite église pittoresque remplace la cathédrale qui se trouvait autrefois à cet endroit.

Nous rencontrons Charles Dubreux, responsable du verger dans les jardins de Versailles. Il est accompagné de Julie et Corine, qui l’aident à plein temps dans cette tâche.

Après un pique-nique chez Hervé, avec bien sûr une visite et des explications dans son jardin privé, il nous emmène à son verger personnel, qui abrite une grande collection d'arbres fruitiers à Saint-Lambert-des-Bois.



Un terrain en pente le long d'une belle villa, avec des arbres palissés en rangées selon le propre design d'Hervé.

De grandes allées, en forme droite et courbée, sont suffisamment larges pour permettre le passage d'un tracteur pour l'entretien. Il y a également une petite pépinière d'arbres fruitiers greffés par Hervé. En haut du terrain se trouve un verger avec des arbres plus âgés, d'environ 40 ans. On y trouve environ 350 pommiers et poiriers, tous greffés sur cognassier, des pommiers sur M9 et M16, ainsi qu'une dizaine de semis.

Il y a un porte-greffe de cognassier bas sous une couche de terre. Chaque année, de la terre est ajoutée autour de la base, permettant la formation de nouveaux drageons. Ces drageons sont ensuite retirés et de la terre est rajoutée par-dessus. Ainsi, chaque année, de nombreux porte-greffes sont cultivés.

La taille de printemps, ou « taille en vert », consiste à tailler au-dessus de cinq yeux tout en veillant à ce que les branches en forme de U soient bien alignées à la même hauteur. La structure de l'arbre est ainsi respectée.

Entre les arbres, se trouvent de petits buissons de baies. Cette alternance est intentionnelle. Hervé souhaite créer un mur en combinant arbres fruitiers palissés et petits fruits.

Après la visite, nous avons l'occasion de tailler aux côtés de nos collègues français. Nous observons, discutons et délibérons sur les branches à tailler. C'est une expérience très enrichissante.

Après la taille, nous prenons un moment pour discuter. C'est souvent à ces occasions que des éléments intéressants émergent. Voici quelques belles citations d'Hervé que nous avons particulièrement retenues :​

  • Partir du microscopique vers le macroscopique.
  • Commencez petit et simple, et travaillez de manière progressive. Si vous voulez créer un verger, suivez le principe OBREDIM:

Observation : Observez le terrain, examinez son emplacement, sa disposition et réfléchissez à ce que vous voulez en faire.

Border : Comment le terrain est-il délimité ? Y a-t-il des frontières naturelles ou envisagez-vous d'utiliser autre chose ?

Resources : Faites des recherches sur les ressources disponibles : l'espace disponible, comment les arbres seront plantés, les plantes disponibles, l'approvisionnement en eau, le sol, l'équipement, et si vous travaillerez seul ou avec d'autres personnes.

Évaluation : L'évaluation des trois premières phases (OBR) permet de préparer les trois phases suivantes. C'est une étape cruciale où il faut inventorier ce que l'on a en main. C'est surtout le moment de dessiner ce que nous avons observé.

Design : Un processus créatif où vous dessinez un plan de la forme des arbres en fonction du terrain et des résultats des trois premières phases. Prenez des notes !

Implantation : Où et comment les arbres seront-ils plantés ?

Maintenance : Le design n'est jamais terminé. Un entretien est nécessaire pour maintenir le terrain en bon état. Comment et quand allez-vous réaliser cet entretien ?


Après une longue et enrichissante discussion, nous retournons chez Hervé. Nos chambres sont attribuées, et pendant que nous nous rafraîchissons et nous installons, Hervé prépare un délicieux dîner pour nous. Quel homme impressionnant ! Il fait tout son possible pour nous rendre notre séjour le plus agréable possible. Après le repas, nous continuons à discuter longtemps et à mieux faire connaissance les uns avec les autres.

Une nuit agréable suit une journée tout aussi plaisante.



Mercredi 10 juillet 2024

Une belle journée, ciel dégagé et ensoleillé, idéale pour explorer le Jardin du Roi à Versailles. Charles, Julie et Corinne nous guident à travers un jardin d'environ 3 hectares, où le potager et les arbres fruitiers palissés ont joué un rôle majeur pendant des siècles. Ils composent l'équipe d'entretien des fruits. Ils partagent leur vision, leurs expériences, leurs observations et leurs décisions. Pendant la visite, nous avons eu le plaisir de déguster les premières prunes 'Dauphine'.

Après la visite, il était temps de retrousser nos manches et de tailler ensemble une jeune plantation d'environ 12 ans. C'était agréable de participer à cette tâche collaborative. Enfin, nous avons eu l'occasion de découvrir une partie du gigantesque réseau de caves que possède Versailles, un espace crucial pour la conservation des fruits. Merci à Charles, Julie et Corinne pour leur accueil chaleureux et leur enthousiasme ! Nous avons encore profité d'une vue exceptionnelle pendant notre déjeuner.


On peut également guider des arbres fruitiers palissés le long d'un escalier !

Il est grand temps de poursuivre le programme de l'après-midi. Nous visitons un verger fondé par notre guide Hervé il y a 8 ans, situé le long des murs extérieurs d'un château.

Dès le début, Hervé a impliqué la communauté ; il s'agit d'un verger pour et par la communauté, avec des bénévoles. Le verger est composé de différentes sections, y compris une grande partie dédiée aux arbres fruitiers palissés.


Il y a de la place pour de nouvelles idées, ce qui favorise une grande implication. Ce n'est pas seulement un verger, mais avant tout un lieu de rencontre où les gens s'épanouissent.


Jeudi 11 juillet 2024

Réveil matinal, car la journée sera longue. Contrairement aux jours précédents, nous avons non pas une, mais deux voire trois visites chaque matin et après-midi. "Impossible n'est pas français," disait Napoléon !

Nous prenons le RER en direction du Jardin du Luxembourg, où Mathieu Roze et Guillaume Donjon nous attendent. Ce sont les deux jardiniers responsables de la collection fruitière. Cette collection a une histoire riche, décrite dans le livre La collection fruitière du Jardin du Luxembourg, publié par Naturalia. Aujourd'hui, la collection comprend plus de 1000 arbres fruitiers, tous formés en palissage sans murs, sur une superficie de 21 ares. Elle compte 379 variétés de pommes et 247 variétés de poires.

Mais avant de commencer la visite des jardins fruitiers, nous sommes intrigués par les reliques d'anciens arbres palissés accrochés au plafond de l'immense salle des jardiniers. Le ton est donné ! Mathieu propose d'aller voir l'ancienne forme de palissage Verrier avec 19 branches, qui se trouve dans les bâtiments du Sénat. Après avoir informé la sécurité, nous sommes récompensés par une vue impressionnante ; la relique est énorme et impressionnante avec ses nouvelles pousses (sans gros nœuds). Mais le temps presse, direction les arbres vivants !

L'entretien des arbres et de leur environnement est immédiatement remarquable ; le soin et la précision sont impressionnants, et nous félicitons nos hôtes. Une question cependant nous préoccupe : pourquoi la taille d'été n'a-t-elle pas été effectuée ? La réponse est simple : la collection sert de réserve de matériel de greffe, et chaque année, Mathieu et Guillaume envoient des centaines de greffons à travers toute la France !

Concernant l'entretien, nous observons les éléments suivants : les chemins entre les arbres sont fauchés, le pied des arbres est dégagé et recouvert de toile de chanvre et/ou de copeaux de bois ou de coques de sarrasin, la forme des arbres est presque parfaite, les fruits ont été éclaircis et une grande partie est emballée, des filets protègent la plupart des arbres contre les perruches, des étiquettes sont apposées sur chaque arbre, etc. Un travail minutieux pour obtenir des fruits exceptionnels et de bons greffons !

Nous ne partons pas avant d'avoir réalisé ensemble une taille d'été ; encore une fois, les échanges sont très instructifs. Il est temps de continuer vers la prochaine visite, le verger de l’École Du Breuil, une école de horticulture à Paris. Nous sommes accueillis par Thierry Regnier, ancien enseignant en culture fruitière et l'un des quatre maîtres français dans l'art du palissage. Après quelques échanges, nous nous rendons directement au cœur du sujet avec une visite des arbres fruitiers.

Nous commençons par le plus ancien arbre : une forme de palissage Verrier avec 7 branches de la variété Soldat-Laboureur, âgée d'environ cent ans et déplacée depuis l'ancien jardin de l’École Du Breuil. Nous visitons un potager clôturé, où nous observons des cordons horizontaux, des formes de palissage et des formes de palissage contraires. Nous sommes de nouveau étonnés par l'absence de taille d'été ; la raison ici est le manque de temps.

L'autre partie des formes de palissage dans le jardin est constituée de différentes rangées de formes de palissage contraires, dont les plus récentes proviennent des pépinières d'Enghien. Nous demandons à Thierry pourquoi il n'a pas opté pour une pépinière française ; il semble que la qualité ne soit plus ce qu'elle était auparavant, et ces greffons sont greffés sur M26. En raison du manque de temps, nous ne procéderons pas à la taille ni ne visiterons la riche bibliothèque de l'école. Il est temps de se rendre à la prochaine visite !

Nous arrivons à l'école de jardinage de Montreuil, dont l'histoire nous est racontée par Bernard Lelièvre, responsable du site et du petit musée de l'association. Le verger est varié, comprenant des arbres fruitiers à haute tige ainsi que des formes de palissage et des formes de palissage contraires de différents âges. Malheureusement, l'entretien n'est pas à la hauteur de celui du Jardin du Luxembourg, car il n'est pas facile de mobiliser la jeune génération.

Ici, les fruits ne sont pas seulement emballés mais aussi ornés d'images ou de motifs, le résultat est éblouissant ! Le petit musée est tout aussi impressionnant ; nous sommes éblouis par la collection d'anciens outils de culture fruitière. Les archives sont également très intéressantes ; les photos témoignent de ces reliques d'un passé glorieux qui attend de revivre ! Mais il est temps de se diriger vers la prochaine visite.

Nous terminons la journée aux célèbres murs à pêches de Montreuil. Leur apogée a eu lieu au XIXe siècle, lorsque 300 à 600 kilomètres de murs étaient couverts de pêchers palissés ! Ceux-ci étaient formés selon la méthode "à la loque". Les producteurs de fruits faisaient preuve d'une grande ingéniosité pour approvisionner les marchés de la capitale avec des pêches exceptionnelles produites à l'intérieur des murs de Paris, un véritable exploit.

Il ne reste plus que quelques murs à pêches, et Pascal Mage nous raconte leur histoire, qui a été défendue dans les années 80 pour leur conservation. Actuellement, les terrains de ces reliques sont utilisés par 19 associations qui y ont des jardins partagés, avec ici et là quelques formes de palissage et formes de palissage contraires. Nous avons la chance de visiter un magnifique jardin privé, aménagé avec plusieurs formes de palissage exceptionnelles, un véritable régal pour les yeux !

Toutes les bonnes choses ont une fin ; les visites sont terminées et nous devons prendre l'Eurostar. Nous remercions nos hôtes de la journée et surtout notre hôte de tout le séjour, Hervé Mauclère. Ce voyage fruitier a été merveilleux en termes de rencontres et d'échanges, et c'est grâce à toi, Hervé. Mille mercis !